Musée Alexandre-Franconie

Nicola Lo Calzo, un photographe de la mémoire

Dernière mise à jour : 13/03/2015

Nicola Lo Calzo est italien et vie à Paris. En résidence en Guyane, il est passé par le Musée départemental Alexandre-Franconie en septembre 2014. Nous lui avons posé quelques questions sur le projet artistique qui l'a amené dans notre département.

Nicola lo Calzo, quelle est l'histoire de votre rencontre avec la Guyane ?

J'ai été invité en Guyane dans le cadre d'une résidence artistique avec la Mairie de Saint-Laurent-du-Maroni et l'association la "Tête dans les Images" pour développer mon projet photographique "Cham", autour des mémoires de l'esclavage et de la traite négrière.

Comment le Musée Départemental A.Franconie s'inscrit-il dans votre projet artistique ?

Le sujet de ma résidence en Guyane a été la mémoire de la résistance et le patrimoine des Noirs Marrons. Ces populations vivent aujourd'hui un processus d'acculturation rapide sous la pression des effets conjugués de la modernité. L'abandon des villages et l'urbanisation des ces populations induisent des nouvelles productions identitaires, tout en détournant les jeunes bushinengue de leur culture ancestrale. Parmi les Noirs Marrons, certains animaux jouent un rôle fondamental dans le cadre des pratiques de possession et sont considérés comme le véhicule des esprits de la foret "komenti". Au même titre, ces mêmes animaux ont été objet d'un classement et d'un inventaire de la part des colons français pendant la colonisation. A ce propos, le Musée Franconie ressemble dans l'esprit à un ancien musée colonial, une collection stupéfiante de ces animaux empaillés ou en formol. J'ai choisi d'en photographier certains, datant du XIXe siècle. Leur beauté ainsi que leur état de conservation sont pour moi la métaphore des menaces qui pèsent aujourd'hui sur les bushinengues, tiraillés entre le poids de la tradition et les nouveaux modèles de réussite et d'affirmation sociale entrainés par l'acculturation (entreprise d'évangélisation, de scolarisation, l'essor de la sub-culture jamaïcaine, l'assistanat, etc...)

Pourquoi ce choix de photographier la mémoire ?

Les mémoires font partie du présent comme du passé, les mémoires de l'esclavage comme les mémoires de la résistance à l'esclavage sont souvent inconnues ou oubliées. Qu'ils s'agissent des pratiques rituelles, familiales, des mémoires orales ou des mémoires matérielles, leur caractère vivant est révélateur de l'impact présent que l'histoire du colonialisme, de l'esclavage et de la résistance a toujours sur notre société, par de-là notre appartenance de classe, de genre ou ethnique. 

Existe t-il un lieu, un visage, un contexte qui a marqué votre passage sur ce territoire ?

Oui, c'est le village de Charvein et les familles Ndjuka qui l'habitent. Ils résument bien la complexité de l'historie marronne aujourd'hui, la question des frontières, l'émigration, la guerre civile au Suriname, la transmission du patrimoine marron, l'acculturation en cours parmi les jeunes.

Quelle sera votre prochaine escale ?

Ma prochaine étape sera Cuba, en particulier l'ouest et la région de Santiago